Paroles d'intrapreneurs

Paroles d'intrapreneurs

Martial Petit, intrapreneur chez Airbus Helicopters à Marseille

Témoignage de Marion Choppin, "Grateful co-founder" de Listen Leon

Je m’appelle Marion Choppin et j’ai développé et lancé le projet de Listen Léon, une application d’envoi de feedbacks positifs anonymes qui a pour objectif de répandre de la gratitude dans les organisations.
La société existe depuis un an, et nous sommes une équipe formée de deux co-fondateurs et deux salariés. Nous sommes basés à Aix en Provence et à la Ruche (Tech for Good) à Paris. Nous avons 13 clients, dont des entreprises du CAC40, et notre application est utilisée par plus de 6000 personnes. Et en ce moment nous développons un partenariat à Montréal avec la clinique de psychologie positive (les Canadiens sont précurseurs sur ces sujets).

Comment en-suis-je arrivée là? Je n’ai pas toujours travaillé sur ce projet! J’ai été salariée d’Airbus pendant 10 ans, et j’ai un jour vécu un événement personnel très fort qui m’a poussée à m’interroger puis à agir.

C’est là que j’ai eu l’idée d’une application qui permettrait (enfin!) de faire ressortir des choses positives du quotidien dans le monde du travail. J’ai participé à un start up week end pour tester l’idée, j’ai vu que ça a pris et j’ai commencé à en parler.
J’ai essayé de trouver rapidement au sein de mon entreprise des alliés pour ne pas être seule. Je suis loin d’avoir l’âme d’une entrepreneuse et je ne sais pas ce qu’est une start up! J’ai toujours travaillé dans un grand groupe et j’y étais bien. Lorsque j’en ai parlé autour de moi, ça m’a beaucoup aidée de voir que mon indignation était partagée. Ça a donné du sens à mon projet.

Mon idée était la suivante: puisque le quotidien dans une entreprise peut être tellement pesant, pourquoi ne pas donner l’occasion aux gens de partager sincèrement ce qu’ils apprécient chez les autres? Et comme en France on est timide au sujet de ses sentiments (et encore davantage dans les entreprises!), l’application permet d’envoyer des messages anonymes. Chaque message est un “cadeau” pour celui ou celle qui le reçoit. BAM! Un plein d’ondes positives pour la journée!

Lorsque j’ai commencé à parler de mon projet en interne, j’ai rencontré énormément de personnes qui m’ont inspirées et soutenues dans mon passage à l’action. Des gens qui avaient un regard bienveillant sur ma posture, mon intention. Qui m’ont aidée à prendre confiance en moi. J’ai aussi rencontré des sceptiques! J’ai pris le temps de les écouter mais je n’ai pas du tout cherché à m’appuyer sur eux. J’avais vraiment besoin d’encouragements à ce moment. C’était un sacré changement pour moi!

J’ai rejoins un parcours interne pour intrapreneurs dans mon organisation d’une durée de 8 semaines. Je faisais ça en plus de mon travail. Ça m’a permis de bien cadrer mon projet. Puis j’ai postulé auprès d’un programme d’accompagnement plus important et j’ai été sélectionnée pour une période de six mois. J’avais le budget et le temps pour organiser mon projet comme j’en avais envie. Le rêve!
Ce programme m’a permis de passer à l’étape de prototypage de Listen Leon. Grande leçon à ce moment pour moi: au démarrage les personnes de mon entourage professionnel trouvait mon idée super, mais quand il a fallu passer à l’action avec le prototype, plus personne! Heureusement que j’étais soutenue par ce programme.

Je suis finalement sortie de mon organisation pour créer ma propre structure en m’associant avec Yannick Dalbin, qui partage les mêmes valeurs que moi (notamment sur le pouvoir de la gratitude), et qui a en plus des compétences techniques. Nous sommes très complémentaires.

Une chose que j’ai réalisée durant mon parcours: c’est que je me suis rendue compte que j’ai vraiment essayé de comprendre les peurs derrière les objections qui m’étaient faites. Les gens qui résistent sont souvent les meilleurs personnes à aller voir (après avoir trouvé quelques alliés!) Si on arrive à leur faire verbaliser leurs craintes, on a une chance qu’ils deviennent ensuite nos meilleurs ambassadeurs. En fait les gens se font souvent des idées à partir d’une phrase qu’ils ont entendu, mais ne vont pas aller chercher en profondeur.

Ma plus grosse galère?

Elle a eu lieu lorsque j’ai suivi mon programme d’accompagnement sur six mois au sein de mon organisation. J’avais une grosse pression pour prouver que mon projet intéressait des clients externes. J’ai obtenu au culot un rendez-vous avec un directeur des achats d’une entreprise du CAC 40. J’ai fait deux rendez-vous avec des opérationnels, puis un troisième rendez-vous avec la DRH de leur site. Ce dernier rendez-vous a été assez tendu car il y avait beaucoup d’enjeux pour moi, et je me suis aperçue qu’en fait elle voulait un tableau rempli d’indicateurs pour mesurer l’efficacité de l’application. Grand moment de solitude pour moi… Listen Leon peut faire certaines analyses, mais ce qu’elle nous demandait n’est pas du tout dans l’esprit de ce que nous souhaitons faire. Nous avons alors pris la décision de respecter nos valeurs jusqu’au bout et nous avons refusé de faire les ajustements demandés. Et bien sûr on n’a pas eu le marché.

Une autre chose qui me permet de durer: Idriss Aberkane explique que lorsqu’une idée est révolutionnaire, elle passe par trois phases: elle est d'abord considérée comme ridicule, puis comme dangereuse, et enfin évidente ! Et je constate qu'à chaque fois qu’on va dans une entreprise, l’idée passe par ces 3 phases.

Qu’est-ce qui me donne de l’énergie au quotidien?
L’équipe! Je travaille vraiment avec des gens formidables.
Et d’autres part, les interactions avec les utilisateurs. Je fais beaucoup de présentations, de pitchs… les gens viennent me voir et me disent “merci”, “heureusement qu’il y a ça”.

Quand on est aligné avec ce qu’on fait, tout est possible. Je me sens bien tout le temps. Et petite anecdote personnelle: pour la première fois en 10 ans dans mon organisation, j’étais super contente de revenir de mes vacances en septembre. Ça ne m’était jamais arrivé!

Dans beaucoup de postes, on ne réfléchit pas. On ne prend pas le temps d’une introspection. Quand on est intrapreneur, il faut sans cesse prendre le temps de se poser pour réfléchir à ce qu’on fait, car on doit avancer en étant aligné. Le projet ne peut pas fonctionner dans la durée si on n’incarne pas son projet à 2000%.
Nous appliquons ce principe avec nos partenaires: nous vérifions en amont que leur raison d’être résonnent et nourrisse celle de Listen Léon et vice versa.

Un conseil pour gagner de l’énergie dans ce type d’aventure ?
Il ne surtout pas garder pour soi son idée mais en parler énormément pour la tester, recueillir des feedbacks. Si l’idée importante pour soi et résonne avec son être intérieur, elle ne pourra pas être volée.
Autre chose: c’est vraiment très important de prendre le temps d’écouter ceux qui ne sont pas d’accord après la phase de démarrage.

Et une dernière: il faut absolument passer par une phase introspection; qui suis-je ? Où est mon âme d’enfant? Si le projet ne me parle pas profondément, ça veut dire que je n’irais pas au bout.

Merci Marion pour ton témoignage !