Chez Ze Change Makers, un quart des effectifs est en congés maternité depuis que nous avons démarré notre activité en 2015, d’abord en tant qu’association puis en tant que SAS. Sur une équipe coeur qui compte aujourd’hui 5 personnes (3 femmes et 2 hommes), nous totalisons 13 enfants. (Nous l’avions déjà évoqué dans notre post “Coulisses du confinement / déconfinement” ) Parce que nous aimons ce que nous faisons, et que nous ne cherchons pas à opposer vie professionnelle et vie personnelle, nos enfants se retrouvent régulièrement mêlés à nos activités.
Nous souhaitons prendre la plume aujourd’hui pour poser par écrit quelques réflexions sur la relation entre parentalité en entreprise, et comment nous pensons que devenir parents devient un formidable atout pour l’entreprise si cette dernière sait l’accueillir.
NB: Nous prenons le parti de réduire dans cet article le thème de “parentalité” à la période de grossesse de la femme et les toutes premières années des enfants.
“Parentalité” et “Entreprise” : en apparence, deux polarités qui ne se recoupent pas. Comment allier les deux ? Comment montrer qu’on NE PEUT PAS faire abstraction en entreprise des tournants inévitables, bouleversants, renversants, transformants de la Vie, notamment l’arrivée d’un enfant ? Comment mettre le travail au service du vivant et non l’inverse ?
Il y a celle qui prétend s’être bloqué le dos alors qu’en fait elle est trop fatiguée et a des saignements alarmants qui font qu’elle doit s’arrêter au premier trimestre.
Il y a celui qui s'est levé 3 fois la nuit et doit faire une présentation importante devant un client le lendemain.
Il y a celle qui loue une salle de réunion entre 12h et 14h pour s’allonger et fermer les yeux parce qu’elle n’en peut plus.
Il y a celui qui est resté coincé dans les bouchons parce que c'était son tour de déposer les enfants à l'école, alors qu'il devait animer une réunion d'équipe.
Il y a celle qui fait passer tout (travail, amis…) avant sa grossesse, qui est coupée de ses ressentis et qui pleure pendant une semaine après son accouchement.
Il y a celle ou celui à qui on dit “tu as pris ton après-midi ?” quand elle.il part à 18h récupérer ses enfants.
J’ai même eu le retour d’un collègue masculin qui m’a dit : “on ne s’aperçoit pas dans le contexte du travail qu’une femme est enceinte. Une femme enceinte fait son taf.” Mais à quel prix pour la femme ? C’est comme si… on n’avait pas de corps au travail.
Quand on est enceinte, le corps est bombardé d’hormones et se prépare, malgré et envers tout (et surtout notre mental), à accueillir l’enfant (accouchement et premiers mois). Même si la tête reste concentrée sur le travail, même si on reste dans l’analytique, on est entraînée malgré nous. C’est comme si on nageait dans la mer, en suivant une direction (nos objectifs au boulot), mais on est peu à peu déportée par un courant plus fort. On cherche à maintenir le cap mais le cerveau nous envoie dans une autre dimension.
Et si on considérait cette période comme une transition personnelle ET une transition professionnelle ?
Tout ce qui se joue lors de l’accueil d’un enfant est comme une formation accélérée. Tout va beaucoup trop vite pour nous (surtout quand c’est le premier enfant!) et c’est presque impossible de mettre des mots sur ce qui se passe. Ce n’est que plus tard qu’on va s’apercevoir qu’on a évolué. Ça n’est même pas quantifiable car ça se passe du côté des “soft skills”.
Basée sur notre propre expérience, nous avons essayé de lister une partie de ces compétences invisibles ici, valables pour les mères et les pères :
- Lâcher-prise : prise de recul par rapport à ce qui est important ou pas
- Productivité : meilleure capacité à prioriser ses tâches, donc davantage de performance
- Niveau d'énergie mieux ajusté : on devient davantage conscient de son énergie (ce qui nous donne, ce qui nous prend de l’énergie)
- Faire un pas de côté : le congés maternité (qui ne sont pas des vacances !), permet un temps de recul, de prendre de la maturité par rapport à certains sujets et de revenir avec un regard neuf
- Plus de sensibilité au sens de son action et de son impact : enrichit la raison d'être de son travail, son alignement et donc son engagement
- Résilience : s'ajuster a tous les changements, trouver toujours de nouvelles stratégies pour avancer vers l'atteinte des objectifs
- Responsabilité. Responsable d’un être vivant. Pouvoir assumer des choses
- Faire confiance : se faire confiance et faire confiance aux capacités de son enfant
C’est comme si l’arrivée d’un enfant permettait de développer une plus grande sensibilité au sens de son action et de son impact. Lorsqu’on ne manque pas trop de sommeil :-) on réfléchit davantage à ce qu’on fait et pourquoi on le fait.
Nos quelques suggestions pour mieux vivre la parentalité en entreprise
Du côté des parents :
- Ne pas s'oublier ! Apprendre à s'écouter davantage
- S'autoriser à dire non, ne pas s'obliger à faire des choses mais s'interroger sur la nécessité d'accomplir un travail versus une injonction
- Penser a prendre un temps de recul sur son parcours professionnel et exprimer ses envies pour la suite
- Choisir consciemment ce qu'on veut vivre, et là où l'on souhaite mettre son énergie
Du côté de la structure : comment faire une place à la parentalité, sans tabou ni sur-investir le sujet ?
- Réaliser un entretien RH avant le départ du futur parent, et un autre dès son retour (congés maternité, congés parental...)
- Demander au manager de reprendre contact avec le parent avant son retour
- Faire un point sur le poste en fonction du besoin et des opportunités pour accompagner éventuellement vers une évolution de poste
- Demander des nouvelles des enfants autant aux papas qu'aux mamans !
- Peut-être moins évident : faire évoluer la culture en repensant la notion de productivité et le rapport au travail. La culture de l’effort est encore largement répandue dans nos entreprises.
- Aller, on ose : prendre le parti d'allonger le congés paternité ! Arrêter de travailler pendant 3 à 4 mois permet une prise de recul incroyable. On découvre qu’il existe d’autres rythmes que de travailler du lundi au vendredi. On sort de son “tunnel”, c’est un interstice dans un parcours de vie. Et nous souhaitons aux hommes de le vivre également !